mardi 9 septembre 2008

"AND SEE IF I STAND FIRM OR IF I FALL..."


Acte V.

Les mêmes habitudes de début de journée. Ou presque. La Pyramid Marquee qui nous attend pour son premier concert de la journée. Au passage, le merch’ de Panic trop moche qui aura droit à quelques remarques. Le chapiteau relativement vide et les rangs clairsemés. Devotchka et leurs instruments du plus classique au plus charmeur. Guitare, batterie, accordéon, violon, et ce qui semblerait s’appeler un soubassophone, aux allures félines. Les airs originaux et dépaysants, l’impression de voyager vers la Russie et l’Europe de l’Est. Un joli début de journée.

Mais la Main Stage et les groupies que nous sommes qui n’attendent pas. Quitter les magiciens de Little Miss Sunshine avec quelques regrets. La file immense devant l’unique distributeur de billets. De l’autre côté, John Butler Trio encore sur scène pour quelques minutes. Le soleil de plomb pour ce dernier jour. Notre parcours jusqu’aux tout premiers rangs. Les retrouvailles avec ce public que l’on ne regrettait pas. Moyenne d’âge très jeune, trop jeune, majorité de groupies féminines, converses et mèches emo à foison.

Car c’est Panic at the disco qui suit. Nos petits favoris de 2006 qui nous ont bien déçu depuis, mais auxquels on n’a pu résister cette fois. Les sourires qui reviennent à leur entrée sur scène. Leurs chemises blanches, Ryan et ses lunettes de soleil, Spencer toujours aussi discret, et Jon chaussé de ses incontournables tongs. Brendon qui se contente de sa guitare et de son micro central, et le nouveau membre au clavier, qui le remplace à la place où il brillait le plus. Les chœurs assurés par Jon et Ryan. La majorité de titres du dernier album, qui paraissent bien fades et présentent encore moins d’intérêt en live qu’en studio. Les quelques tubes du premier album en versions modifiées, qui perdent en énergie et en originalité. Même Lying is the most fun… qui nous déçoit largement. Leur prestation scénique qui manque d’énergie, d’envie, de passion. Les souvenirs de Lyon et des petits jeunes qui m’avaient soufflé qui semblent bien loin.

Repas et repos dans l’herbe avec Anouk en fond sonore. La voix chaude de la blonde néerlandaise sur les écrans, et nos corps étendus sur le sol. Les jeunes anglais de The Kooks qui prennent le relais. Les chansons plaisantes mais sans grande originalité. Les quelques tubes que je reconnais. Notre motivation pour monter jusqu’au QG. Mr Toyota au rez-de-chaussée. Ses quelques pas pour s’éloigner du stand, son signe de la main et son regard l’air de rien pour nous filer des pass en toute discrétion. La suite du concert suivi de là-haut et les photos souvenirs avec lui. Le stand voisin, un ticket à gratter, et la photo souvenir WIN FOR LIFE à cacher à tout jamais.

La traversée complète de la plaine, les milliers de personnes entre lesquelles il faut se faufiler. La barrière qui nous attend, et mes Free Hugs dans la poche. The Raconteurs. Au fond de la scène, le cadre est posé : lourd rideaux gris et branches mortes, un petit R doré surplombant le tout. Le teint blafard de Jack White. L’étoile de shérif qui brille sur la poitrine de Bendran Benson. Le bassiste aux cheveux raides bien vite surnommé Daria Mouskouri. Le dernier album qui s’égrène en intégralité. Un Jack White terriblement charismatique qui manie les cordes comme personne. A en casser l’une d’elle sans l’empêcher de poursuivre. Les vieilles guitares rayées voire griffonnées qui passent à ses bras. Un violon qui apparait à un moment entre les mains du clavier additionnel. Steady as she goes largement reprise par le public, sous l’aura de Jack... Steady as she goes... Are you steady now... De longs solos et des duos transcendants avec Brendan, les guitares qui hurlent et qui crachent, un son un peu crado tellement jouissif, et les tympans qui vibrent comme jamais. Un large R majestueux qui apparait entre les branches du fond. Un Blue Vein sans fin qui captive encore un peu plus la foule. Nos Raconteurs du soir qui reviennent un dernier instant pour Many Shades of Black, ma préférée du dernier album, et la dimension qu’elle prend sur scène.

Le stagiaire du cameraman, sa bouille trop choupinette et nos gestes tout sauf discrets pour attirer son attention. Son regard enfin tourné vers nous, les baisers envoyés par nos mains et les fous rires. Les fesses sur le sol et le dos contre la barrière en attendant la suite. Les filles architectes derrière nous, déjà là pour dEUS, et leur pancarte dédiée au groupe. Les lunettes blanches que Steph emprunte pour une photo so fashion, et le Werchter 2008 sur son bras.

Et puis la dernière claque de ces 4 jours. Kaiser Chiefs. Complètement jouissif et délirant. L’énergie incroyable qu’ils projettent. Un Ricky complètement dingue qui ne s’arrête pas de sauter, courir, et se mêler à la foule. Les dizaines de milliers de personnes qu’il met dans sa poche en quelques secondes. Les multiples tubes repris en chœur, et deux nouveautés qui nous seront offertes. La participation du producteur au tambourin. Ricky et son micro tendu vers nous, Ricky qui saute toujours plus haut, court toujours plus vite. Les pompes et quelques exercices de gym n’auront même pas sa peau. Son coup de folie en traversant la foule pour aller escalader les tentes du retour son. Son escalade du montant des projecteurs, sur la droite de la scène. Werchter totalement survolté sur Ruby, et qui monte encore d’un cran sur Oh My God, final en apothéose sous des jeux de lumières bluffants.

Le mec de la sécu adorable qui nous rend nos sacs. La photo qu’il prend de nous et les câlins qu’on lui offre. La nuit qui tombe sur Werchter, la dernière soirée qui sent la fin. Le dernier repas bien copieux et le litre de mayonnaise. Le sucre glace sur la table et son billet roulé. Les regards qui se posent partout pour ne rien oublier d’ici. Les poubelles lapins et carottes. Les rangées de bancs et de tables sous les toiles tendues. Les lumières scintillantes devant la Pyramid. Les pas qui se font lents pour regagner l’autre côté.

Beck sur la scène. Les Free Hugs aux francophones au milieu de la foule. Everybody’s gotta learn sometimes émouvante sous la nuit noire, et nos regards perdus vers la scène. Un dernier petit tour chez Toyota. Les photos colorées dans les hamacs, du bleu, du rouge, du vert. Nos verres à la main. Les dernières photos depuis là-haut.

Les deux derniers tickets brillants pour une dernière bière cerise chacune. dEUS comme fermeture du festival. La fatigue qui nous gagne, leur rock comme une berceuse sur nos corps gisants. Un mec et sa copine qui s’approchent, dans le même état que nous. L’alcool et la faiblesse du corps qui les mènent jusqu’au sol. Sa tête contre ma jambe. Les yeux qui se ferment et l’esprit qui vagabonde dans un demi-sommeil. Et le renoncement. Quitter le site avant l’heure pour éviter la foule compacte de la veille. Le camping vide et l’herbe humide. Les bruits de pétards qui nous surprennent à l’entrée de la tente verte, et le feu d’artifice final qui se reflète dans nos yeux.

A l’année prochaine.


[ PHOTOS PATD ]

[ PHOTOS THE RACONTEURS ]

[ PHOTOS KAISER CHIEFS ]

lundi 8 septembre 2008

"THERE ARE TWO COLOURS IN MY HEAD..."


Acte IV.

De nouveau les yeux qui s’ouvrent trop tôt et la tente qui baigne dans la lumière. Les affaires pour la douche, l’immense tente militaire sur le chemin, et le frigo même pas mini. Les 2€50 dans la poche et la longue file d’attente, ponctuée de serviettes multicolores. Des dizaines de minutes plus tard, les pieds sur le sol humide, et le verrou fermé derrière moi. Le rideau de plastique, le mince filet d’eau glacée, et la galère pour se rincer les cheveux. Juste à côté, la foule pressée devant les robinets anthracite, brosses à dent dans la bouche. Le petit déjeuner qui suit, un bol de plastique et sa petite cuillère blanche, une petite brique de lait, et des céréales au miel.
Préparer le sac de la journée. Les madeleines devenues miettes. Les piles qui défilent dans l’appareil photo. La crème solaire sur nos peaux. Un bonjour à Popol & co au passage.

[...]

Le sourire de Mr Toyota. Nos jus de fruit et une pomme à croquer. Le bar à oxygène et ses différentes senteurs, esprits fleuris, fruités ou océaniques. Le premier concert suivi de là-haut, comme une habitude qui s’installe. The Whigs. A droite et à gauche de la scène, les longs tubes néons suspendus, pré-décor impressionnant en attendant le concert mythique du soir. Une petite pause dans l’herbe pour les dernières chansons.

Et puis nos places au second rang, les mains sur la barrière, tout près de la scène. Gossip. Beth et sa robe sombre constellée de couleurs. Ses cheveux raides et noirs, et sa voix unique qui perce la peau. Sa remarque envieuse à propos du concert de Jay-Z la veille, et son attaque envers Beyonce. Le guitariste un peu fou. Popol et sa trompette, le concours entre lui et Beth. La petite brune à l’esprit enfantin qui descend de scène pour s’accaparer de l’instrument et s’amuser quelques secondes. Son énergie communicative, et Standing in the way of control qui remue la foule.

Me frayer au premier rang pendant que Steph se recule un peu. The Hives. Les lettres rouges en fond de scène. Les costumes noir et blanc et les cravates rayées. L’incontrôlable folie qui monte en moi et autour de moi, malgré les fines gouttes de pluie. La prétention ajustée de Pelle, la pluie qui lui fait tomber la veste, les cris qu’il nous fait pousser, et les grimaces de son frère à notre encontre. Les tubes qui font leur effet et l’hystérie collective qui tombe juste. Leur jeu de scène incroyablement excitant, leur humour particulier et un immense plaisir qui ressortent de tout ça. Des micros, guitares et baguettes qui volent, le suédois Jaggerien qui saute et court partout, provoque la foule, bondit dans le public, et puis sa main contre la mienne et son visage à quelques centimètres. Leurs aux-revoir et la promesse personnelle de les revoir au plus vite.

Reculer pour la suite. Un petit tour pendant la pause. Les filles de Toyota que l’on croise, et un autocollant PARTICIPATE sur chacun de nos ponchos. Et puis Editors et toujours la pluie. Le visage sur l’écran géant qui m’en rappelle un ancien. Les mains sur le piano et la voix unique. Les oreilles plongées dans leur univers et les yeux distraits. Le lancer de papier toilette et les tonnes de gobelets empilés.

Trainer Steph jusqu’à la plateforme de la Pyramid pour Kate Nash. Echos de King of Leon qui ne donnent pas tellement envie d’aller jeter une oreille. La jolie anglaise qui charme la foule. Son allure de poupée, ses taches de rousseurs, ses yeux malicieux et son sourire enchanteur. Le décor au style cabaret. Son petit air timide lorsqu’elle s’adresse à nous. Sa voix toute douce. Les mélodies mutines au piano. Son accent tranchant. Les paroles qui résonnent en moi. Nos cœurs conquis et les airs qui restent en tête des heures. And I’m singing "oh oh" on a Friday night...

Le soleil qui revient et notre retour au bord des arbres pour Ben Harper et ses Innocent Criminals. Sa classe innée. Ses longues mains qui gratouillent la guitare posée sur ses genoux, et les percussions qui résonnent. Les tons blues, funk et reggae qui s’enchaînent, les airs que l’on reconnait, et sa voix chaude qui nous berce. La rencontre avec Christian le belge d’Alerte à Malibu. Les toilettes VIP toutes propres et le papier blanc décoré de dessins.

Nouvelle avancée vers la scène. Steph qui reste en arrière, estomac oblige. Une place au second rang pour moi, en attendant que le premier rang se libère et que je pose mes mains sur la barrière. Sigur Ros à venir. Les boules lumineuses en fond de scène et les instruments magiques. Mes voisins de toutes nationalités qui font l’animation, et longues minutes d’attente qui passent plus vite. Nos échanges sur le groupe et l’excitation qui monte. Les frissons alors que la scène est encore vide. Et puis les anges qui apparaissent et les larmes qui perlent à mes yeux. Au centre, Jonsi et son aura féérique, sa veste sombre sanglée, les paillettes sur sa pommette droite et les plumes dans son cou. Orri derrière sa batterie, couronne multicolore posée sur la tête. Entre les deux, Goggi accompagnée de sa basse. Son costume élégant et sa prestance imperturbable. A l’autre bout, caché entre les multiples claviers et xylophones, Kjarri qui me tourne le dos. Et puis les quatre fées pastel d’Amiina et leurs instruments à cordes majestueux, et en bonus, des cuivres tout vêtus de blancs.
L’envol au pays des elfes avec Svefn-G-Englar. Jonsi qui nous envoute de sa voix cristalline, et celle plus grave de Kjarri qui lui répond. La guitare parsemée d’oiseaux brillants sur laquelle glisse l’archet. La dernière note sortie de sa bouche qui s’éternise, accompagné des effets de lumière. L’esprit d’Ágætis Byrjun qui reste intact avec Ny Batteri, et son intro qui fait la part belle aux lutins blancs de ce soir. Les lèvres de Jonsi au plus près des cordes et l’émotion sur son visage aux yeux fermés. La très attendue Glosoli et sa poésie unique qui s’étend au-dessus du public silencieux d’admiration. Saeglopur ensuite, et ses notes scintillantes comme des flocons de neige. Les morceaux du tout dernier album qui s’ajoutent petit à petit, et la surprise d’un Hafsol au milieu de tout ça. Orri qui s’attèle au xylophone le temps d’une chanson et Jonsi qui se rapproche de Goggi. La nuit qui tombe et les lumières qui n’ajoutent qu’encore plus à l’ambiance. Jonsi et l’autre guitare. Rouge. Toujours lui qui rejoint Kjarri derrière les claviers, et qui joue de ses cordes avec une baguette de batterie, une fois retrouvée sa guitare. L’heure qui touche presque à sa fin. Gobbledigook qui retentit, bouleversante, et les gros souffleurs repérés l’après-midi qui remplissent le ciel de blanc. Les petits papiers qui volent dans la faible lueur du crépuscule et retombent en pluie sur la foule émerveillée. Le rappel sur Popplagid qui nous achève de beauté et que l’on voudrait ne jamais voir se terminer. Et puis les instruments qui se taisent, leur avancée à tous sur la scène, et leurs saluts face aux applaudissements d’un public qui ne réalise pas encore ce qu’il vient de vivre.
Leur sortie de scène, le rêve qui s’étiole en pointillés, et l’envie de m’écrouler sur le sol qui ne résiste qu’à l’idée de ceux qui vont suivre. Une heure passée dans un autre monde. L’impasse sur mes préférées qui finalement ne compte pas. Du sublime et de la magie qui flottent dans les airs, sur chaque morceau quel qu’il soit. Les larmes et les étincelles dans mes yeux tout le long. Le cœur qui se perce en mille endroits. A chaque note les frissons dans tout le corps. A chaque son l’envie de me mettre à genoux devant eux.

Radiohead. La mise en place du nouveau décor que je suis d’un œil distrait, l’esprit encore tourné vers la terre de glace. Les tubes transparents alignés au-dessus de la scène. Les techniciens qui grimpent à leur cime. Les écrans du fond et les trois micros en première ligne. Et puis, une fois la nuit noire complète, la scène qui se nimbe de bleu, et les cinq musiciens qui s’y plongent. Les caméras fixes braquées sur chacun d’eux, et leurs images sur les écrans découpés en six. Cette voix unique et émouvante qui nous transcende. Les trésors de ce monstre de groupe qui prennent vie devant nous. Les néons qui forment un halo mystique, tantôt bleu, rose, vert, rouge, ou violet. Des ambiances électroniques entremêlées d’explosions rock et d’acoustiques pénétrants. Les sons les plus planants qui embrument le cerveau. Les meilleurs morceaux du dernier album et de plus anciens embrasements. Lucky, There There, How To Disappear Completely, Jigsaw Falling Into Places, Optimistic, Just, et toutes les autres, qui font vibrer le cœur et la chair. Thom et ses yeux souvent fermés sur l’intimité de ses mots. Ses petits pas de danse et les gestes désarticulés de ses bras, au son de ses pairs. Et ses quelques sourires timides que l’on gardera précieusement en tête. La simplicité de reflets blancs pendant leur première absence. Leur retour pour Videotape. La petite phrase de Thom qui rebondit à l’intérieur de mon crâne. This song is for people who hear voices in their head. Un peu plus tard, les néons qui se parent de multiples couleurs psychédéliques pour Paranoid Android. Puis le second et dernier rappel. Le piano décoré du drapeau tibétain et Thom qui prend place derrière. Everything In Its Right Place, pour finir de nous envoûter...

Et la redescente difficile.


[ PHOTOS GOSSIP ]

[ PHOTOS THE HIVES ]

[ PHOTOS SIGUR ROS ]

[ PHOTOS RADIOHEAD ]